Un Hamlet boulversant à l’Opéra de Montréal
Hamlet d’Ambroise Thomas est à mon avis l’un des meilleurs secrets (pas si secret) gardés du répertoire opératique. En effet, ce n’est pas l’opéra le plus souvent présenté, mais il gagnerait largement à être mieux connu. L’histoire, calquée sur le texte Shakespeare, est pleine d’intrigues et de rebondissements qui nous tiennent en haleine du début à la fin tant le livret et la partition sont bien ficellés et rendent justice à l’oeuvre originale.
Une distribution de très haut calibre
J’ai eu la chance d’être invitée à la première représentation à l’Opéra de Montréal ce samedi et mes attentes ont été comblées, au plus grand plaisir de mes oreilles! Tous les chanteurs étaient vraiment à leur meilleur dans un rôle qui convenait parfaitement à leur Fach (de Wikipedia: « Le système Fach est un système de classement des chanteuses et chanteurs, selon l’étendue, le « poids », et le timbre de leur voix »).
La star incontestée de la soirée étaient sans aucun doute Sarah Dufresne, dont la précision et la clareté vocale collaient à 100% à la partition d’Ophélie. Ce rôle, en plus d’être rempli de passages très techniques (lire, BEAUCOUP de colorature), comporte un double-défi en ce sens que l’interprète doit pouvoir être touchante et vulnérable en dépit du fait que ses prouesses vocales inspirent le sentiment d’admiration chez les spectateurs; deux catégories d’émotions antagonistes. Le défi est relevé haut la main, en témoigne l’ovation debout qu’elle a reçu!
Le rôle titre était chanté par Elliot Madore, dont la voix riche et sonore apportait une belle palette de couleurs au rôle d’Hamlet. La mezzo Karine Deshayes était royale et majestueuse en Reine Gertrude; son jeu nuancé et sa voix brillante se prêtaient admirablement au rôle. C’est Nathan Berg qui a interprété le (traître) roi Claudius. Au lieu d’une interprétation unidimensionnelle que ce genre de personnage peut générer, on a eu droit à plusieurs facette d’un personnage tourmenté.
Les rôles de support n’étaient pas en reste et j’ai tout particulièrement adoré Alexandre Sylvestre en Horation pour sa diction impeccable, ainsi que Matthew Li, membre de l’Atelier Lyrique, en Polonius. L’orchestre, sous le bâton de du Maestro Jacques Lacombe, était en grande forme également.
Une production classique mais efficace
Sommes-nous obligés de toujours réinventer la roue en ce qui a trait à la scénographie des opéras? En ce qui me concerne, poser la question, c’est d’y répondre. Cette production d’Hamlet était classique, mais efficace et Alain Gauthier fait preuve d’ingéniosité dans le découpage scénique des scènes de groupes.
L’usage des décors modulaires pour les changements de scènes et l’éclairage réussissent quant à eux à donner tantôt un air de fête, tantôt un air de doom and gloom. Les costumes d’époque somptueux ajoutaient également à l’effet visuel général.
Il reste encore quelques places pour les prochaines représentations alors dépêchez-vous!