Pour l’amour de l’art
Lorsque j’ai fait la décision de me réorienter professionnellement en 2014, j’avais l’impression de perdre tous mes repères. En effet, ayant baigné dans le monde de la musique classique depuis l’âge de 5 ans, d’abord en tant que violoniste, puis comme chanteuse d’opéra, j’avais la sensation que mon identité même était remise en question et que je ne savais plus qui j’étais.
Je ne vous cacherai pas que le deuil à faire a été important et, bien cela n’a pas été sans verser quelques larmes et me demander si je prenais vraiment la bonne décision, j’ai aussi eu l’impression de vivre une renaissance et de découvrir qui j’étais vraiment. Un peu comme une chrysalide qui doit passer par un processus pénible afin de se transformer en papillon. Je me suis rendu compte que, bien que j’aimais toujours la musique d’un amour profond, la carrière et le talent ne me définissait pas en tant qu’être humain.
Le travail comme marqueur positionnel
Le monde occidental valorise énormément le travail et notre identité sociale est certainement reliée à notre occupation professionnelle. N’est-ce d’ailleurs pas l’une des premières questions que l’on pose lorsqu’on rencontre quelqu’un pour la première fois : « Et toi, tu fais quoi dans la vie? ».
On ne se cachera pas non plus que, malheureusement, pour bien des gens, c’est un gage de hiérarchie sociale. Tel emploi est valorisé socialement alors que tel autre non, bien que nous avons besoin de tout pour faire un monde.
Dans le même registre, le snobisme intellectuel et l’élitisme m’ont toujours dérangé. C’est d’ailleurs l’un des aspects turn-off qui a contribué à ma remise en question, bien que cela n’était pas la raison principale de mon changement de carrière.
Je comprends le sentiment et d’où il vient. Après tout, tellement d’études et de sacrifices sont nécessaires afin de réussir dans ce milieu! De plus, ne devient pas artiste qui le souhaite, car il faut un talent de base, comme pour les sportifs de haut niveau par exemple. Ce que je m’explique mal, c’est comment en 2021 peut-on encore catégoriser les gens de façon hiérarchique selon leur niveau d’éducation ou leur emploi.
Qu’est-ce qu’un vrai artiste?
Parallèlement, j’ai aussi beaucoup de difficulté à accepter le concept (prôné par certaines personnes du milieu artistique) qu’il faut absolument vivre de sa musique afin d’être un « vrai » musicien. C’est quant à moi une vision capitaliste de ce qu’est l’art, comme si toute création devait absolument rapporter un rendement monétaire.
N’est-ce pas complètement aux antipodes de ce que propose l’art, soit d’être une discipline immatérielle à la vocation philosophique pouvant changer le monde? L’art est essentiel à une société, but so are many other jobs. Ne cherchons pas à déterminer qui a le plus de valeur en fonction du métier qu’il/elle exerce. C’est un exercice classiste et superficiel.
Mon avis sur la question
Pour ma part, je continue à chanter et à profiter des bienfaits de la musique dans ma vie. Si un contrat intéressant se présente, je le prends, sinon, je n’en suis pas plus malheureuse. Mon attitude en déstabilise certains, mais c’est l’équilibre que j’ai trouvé pour me rendre heureuse.
Je ne me considère pas moins musicienne que d’autres qui ont décidé de rester dans la carrière, car, en mon sens, on est musicien dans l’âme et non pas parce qu’on obtient des contrats, surtout si l’on considère que le succès artistique est relatif à l’époque dans laquelle nous vivons. Pensons par exemple à un Van Gogh, qui a vécu dans la misère et dont les toiles valent des prix astronomiques de nos jours.
De plus, sans le marketing, les hautes finances et toutes la machine qui vient avec, Guy Laliberté ferait encore des shows secrets dans la région de Charlevoix!
Vive le libre choix!
Comme vous pouvez le constater, le sujet vient me chercher (l’inverse serait quand même étonnant). Si je voulais en parler aujourd’hui, c’est parce que j’ai la conviction profonde que tout le monde devrait avoir accès à l’art et, surtout, que l’on devrait pouvoir faire le choix de travailler pour vivre au lieu de vivre pour travailler et ce, sans avoir à se faire juger.
Pour certains, l’épanouissement passe par la carrière, pour d’autres, il se vit ailleurs. L’un ne vaut pas mieux que l’autre.
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