L’Opéra de Montréal choisit l’audace avec Champion!
Ce n’est pas tous les jours qu’on a l’occasion d’aller voir un opéra qui traite de la vie d’un boxeur, sujet plutôt contemporain si l’on compare la durée d’existence de cette discipline à celle de l’opéra. Pourtant, l’Opéra de Montréal s’est octroyé cette saisonle droit de faire ce choix audacieux en présentant Champion, l’œuvre de Terence Blanchard basée sur la vie du vraie du champion mondial de boxe Emile Griffith.
Je vais tout de go saluer cette décision de présenter un opéra contemporain aussi peu connu, car disons que ce ne sont pas les Carmen, Bohème, Rigoletto et Traviata qui manquent sur la scène opératique québécoise.
Pour quiconque est moins familier avec l’histoire, Emile Griffith, un boxeur dont la carrière était déjà prolifique, est propulsé sous les projecteurs de façon dramatique aux suites d’un combat qui se soldera de façon mortelle pour son adversaire, Benny Paret. Cet accident marquant a forgé le reste de la vie de Griffith, qui ne s’en remit jamais réellement.
L’opéra s’articule bien sûr autours de cette tragédie, mais aussi autours de l’enfance et de la vie personnelle d’Emile Griffith par le moyen de flashbacks. Nous avons donc droit à trois interprétations du personnage : celle d’Arthur Woodley, campant le boxeur dans son âge avancé, celle d’Aubrey Allicock, qui joue Griffith dans sa jeunesse (et lors du combat fatidique), et celle de Nathan Dibula, qui chante la partition du petit Emile. Les trois chanteurs sont remarquables de justesse, particulièrement Woodley, dont le jeu est sensible, et Dibula, qui est touchant de sincérité.
Emile Griffith ne l’a pas eu facile, à commencer par sa mère alcoolique qui l’abandonne chez une tante mentalement instable dès son plus jeune âge. S’ajoutent à cela un père absent, une vie de pauvreté à St-Thomas dans les îles Vierges des États-Unis et une sexualité fluide qu’il devra réprimer jusqu’à la fin de sa vie et qui lui vaudra de se faire battre presqu’à mort à sa sortie d’un bar gay à New York. Les ingrédients pour un opéra dramatique sont donc tous réunis.
Musicalement, il y a vraiment de beaux moments, à commencer par l’air « What makes a man a man » de Griffith, ou encore l’air de l’acte II d’Emelda, la mère d’Emile, magnifiquement chanté par Catherine Daniel. Mélangeant influences jazz, blues et une saveur de comédie musicale, la partition (qui semblerait-il ne fait pas l’unanimité) a le mérite d’essayer quelque chose de nouveau. Personnellement, j’ai aimé découvrir le mélange de ces sonorités dont la beauté étrange ne ressemblait à rien de ce que je connaissais.
Scéniquement, c’est très réussi, surtout avec le défi que représentent les flashbacks dans la vie d’Emile. Les projections réussissent à nous transporter dans chacune des scènes de New York à St-Thomas et les lumière sont utilisées pour leurs effet dramatique (par exemple, quand l’adversaire de Griffith se fait battre à mort.
Je vous recommande fortement d’aller découvrir cette oeuvre hors du commun et, du fait même, d’encourager nos institutions musicales à faire des choix artistiques hors des sentiers battus. Pour plus de détails et pour acheter vos billets, c’est par ici !
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